Réglementation des drones

Etant donné l’essor que connaissent les drones civils au sein du grand public depuis quelques années mais également sur les tournages avec des prises de vues aériennes de plus en plus courantes dont les coûts d’exploitation sont devenus beaucoup plus accessibles, une réglementation plus fine était attendue pour encadrer ces aéronefs potentiellement nuisibles à la vie privée et surtout dangereuses en cas de panne donc de chute sur des tiers ou des biens. Vous allez voir, ça ne plaisante pas ! Décryptage.

La D.G.A.C. (Direction Générale de l’Aviation Civile) a donc élaboré un cadre règlementaire que nous allons vous exposer ici, dans les grandes lignes car les arrêtés de 2012 que vous trouverez plus bas, régissant l’activité aérienne photo et vidéo, sont pour le moins indigestes.

L’assistant réalisateur étant un des principaux responsables de la sécurité sur un plateau, avec le directeur de production et le chef machiniste, il se doit de connaitre un minimum cette réglementation. Nous parlerons précisément de la sécurité à proprement dite sur le plateau dans un prochain article.

L’enjeu de la réglementation relative aux aéronefs télépilotés ne transportant personne à bord (couramment dénommés drones) est d’assurer la sécurité des autres usagers de l’espace aérien et des populations survolées.

Dans le cadre d’un film produit, toute personne voulant utiliser un drone équipé d’une appareil photo ou d’une caméra sur un aéronef télépiloté est dans l’obligation de se mettre en conformité avec la réglementation.

En d’autres termes, il est donc strictement interdit par la loi de réaliser des prises de vues aériennes amateurs, donc dans le cadre d’un film auto-produit car sans structure légale.

Commençons.

Tout d’abord, un petit point sur les dénominations du drone (de l’anglais « faux-bourdon ») qui est également appelé UAV (pour Unmanned Aerial Vehicle), ou encore RPAS (Remotely Piloted Aircraft Systems).

Un pilote de drone s’appelle d’ailleurs un télépilote !

Sa définition : un drone est aéronef télépiloté qui circule sans personne à bord, télécommandé ou autonome, qui peut éventuellement emporter une charge utile, destinée à des missions (ex. : de surveillance, de renseignement, d’exploration, de combat, de transport, etc.).

La D.G.A.C. a publié tout récemment un premier document téléchargeable ici dont voici un aperçu :

Drônes DGAC

Drone de loisir ou drone professionnel, entre aéromodélisme et activité particulière. Définition !
– Lorsque cette utilisation est limitée au loisir et à la compétition, on parle d’aéromodèles, gamme dans laquelle les drones achetés dans les rayons jouets ou high-tech et utilisés pour le loisir ou la compétition rejoignent des types d’aéronefs connus et règlementés depuis des dizaines d’années ;
– Pour les autres utilisations (c’est ce cas qui nous intéresse), on parle d’activités particulières, dans un contexte professionnel, et des dispositions spécifiques ont été élaborées.

Les activités particulières de prises de vues aériennes par aéronefs télépilotés ne peuvent s’exercer que dans un cadre réglementaire très strict.

Les conditions d’insertion dans l’espace aérien.
Pour l’aéromodélisme comme pour les activités particulières, l’accès à l’espace aérien est libre en dessous de 150m (en dérogation aux règles de l’air habituelles, qui contraignent les autres aéronefs civils à voler au dessus de cette hauteur sauf autorisations particulières). Seuls les vols en vue sont autorisés pour les aéromodèles. Attention, en dessous de 150m mais :
– en dehors des agglomérations et des rassemblements de personnes ou d’animaux ;
– en dehors des zones proches des aérodromes ;
– et en dehors d’espaces aériens spécifiquement règlementés qui figurent sur les cartes aéronautiques.

Le survol des agglomérations ou des rassemblements de personnes n’est possible que dans le cadre d’une autorisation préfectorale délivrée après avis du service de la défense et de la direction régionale de l’aviation civile.

Particularités concernant Paris.
Le survol de Paris est interdit par un arrêté du 20 janvier 1948 toujours en vigueur. Les aéronefs de transport public effectuant un service régulier sont autorisés en respectant une altitude de 2000 mètres (6600 pieds). Des dérogations exceptionnelles peuvent être délivrées par la DGAC, après accord de la préfecture de police de Paris. Dans le cas spécial des hélicoptères avec pilote, le survol de Paris est soumis à une autorisation spéciale de la préfecture de police de Paris. Le quartier de la Défense a été fermé au trafic d’hélicoptères de transit suite aux événements du 11 septembre 2011.
En région Ile de France, hors Paris Intramuros, zones de décollage et atterrissages, et zones interdites, l’altitude de vol est de 200 mètres minimum, 350 mètres maximum. Les vols d’appareils radiocommandés sont totalement interdits au-dessus de Paris, même au-dessus des propriétés privées, sauf sur dérogation exceptionnelle de la préfecture de police de Paris et de la DGAC.

Source : www.helicomicro.com

Pour les activités particulières dont les tournages font partis, la réglementation identifie sept catégories de drone (A à G) en fonction de la masse et du type de propulsion. C’est la catégorie E la plus courante pour les prises de vues cinéma (aéronefs de plus de 2 kg et de moins de 25 kg).
Ainsi que quatre scénarios d’utilisation type (en vue ou non du pilote, à plus ou moins grande distance, hors agglomération et rassemblements ou non), pour lesquelles des limites sur les masses des machines sont fixées, des compétences sont définies pour les télépilotes, et une obligation est faite à l’opérateur de décrire dans un manuel d’activités les dispositions qu’il prend pour garantir la sécurité des biens et personnes au sol et des autre aéronefs.

L’opérateur est à ne pas confondre avec la production car c’est une société spécialisée et déclarée à la D.G.A.C. Une production peut y faire appel comme un sous traitant. Un particulier ne peut pas être homologué hors de tout cadre légal. Un télépilote est formé et suivi par son opérateur.

Les quatre scénarios en résumé avec les liens pour les détails sur le site de la D.G.A.C. et un tableau de synthèse ici. On rappelle au passage qu’il y a des restrictions entre les catégories de drone et les scénarios ci-dessous (consulter l’arrêté en bas d’article pour les détails). Ces quatre scénarios prédéfinis couvrent 95% des besoins actuels selon la D.G.A.C. !

S-1 : scénario opérationnel en vue directe du télépilote se déroulant hors zone peuplée, à une distance horizontale maximale de 100 mètres du télépilote ;
S-2 : scénario opérationnel se déroulant hors zone peuplée, à une distance horizontale maximale de rayon d’un kilomètre du télépilote et de hauteur inférieure à 50 mètres au-dessus du sol ou des obstacles artificiels, sans aucune personne au sol dans la zone d’évolution ;
S-3 : scénario opérationnel se déroulant en agglomération ou à proximité d’un rassemblement de personnes ou d’animaux, en vue directe du télépilote, à une distance horizontale maximale de 100 mètres du télépilote.
S-4 : scénario opérationnel traitant d’une activité particulière de relevés, photographies, observations et surveillances aériennes se déroulant hors zone peuplée et ne répondant pas aux critères du scénario S-2.
– Pour les cas hors scénario, souvent des vols hors vue. Il est prévu un examen au cas par cas exigeant un processus long qui se rapproche des certifications avions… Voici ici les particularités !

Ce qu’il faut savoir ! …
– La règlementation des drones civils s’applique à tout télé pilote/opérateur et/ou drones dans le cadre d’activités d’aéromodèle (loisirs ou compétition) (Annexe I de l’arrêté du 11 avril 2012), particulières rémunérées ou non (Annexe II de l’arrêté du 11 avril 2012), et de vols expérimentaux (Annexe III de l’arrêté du 11 avril 2012).
– Cette réglementation ne concerne pas les ballons libres comme les ballons sondes, les fusées et les cerfs-volants.
– Les activités à proximité des aérodromes, dans des espaces règlementés, ou au-dessus de 150m nécessitent de prendre contact avec les services de la direction régionale de l’aviation civile (leur autorisation sera fréquemment soumise à l’établissement d’un protocole avec les responsables de l’aérodrome ou de la zone d’espace aérien concerné).
– Le télépilote ne peut pas faire évoluer un aéronef télépiloté s’il est à bord d’un autre véhicule en déplacement (dérogation nécéssaire dans le cas contraire).
– Les télépilotes ont l’obligation de suivre une formation théorique (certificat d’aptitude théorique de licence de pilote) et d’obtenir une déclaration de niveau de compétence (DNC) pour les scénarii les plus simples (S1, S2, S3).
– Pour le quatrième scénario qui ne fixe pas de limites de distance du télépilote. Celui-ci doit détenir une licence pleine et entière d’avion, d’hélicoptère ou de planeur. Celle de l’ULM ne suffit plus.
– Les contrôles impromptus lors du tournage sont possibles. Les documents à fournir sont ici sinon gare à vous !
– Le scénario 3 est celui qui nécessite le plus de temps avant l’obtention d’une autorisation de tournage (plusieurs semaines).
– Passer par un opérateur déclaré à la D.G.A.C. peut réduire le délai des autorisations car ils en ont déjà certaines.
– Les drones type RTF « Ready To Fly » ou prêt à voler désignant les engins vendus montés et réglés ne sont pas homologables donc impossible pour un usage professionnel.
syma-x8w-04
Les responsabilités engagées !
– L’exploitant (société spécialisée, sous traitant de la production) d’un aéronef télépiloté est responsable de la mise en œuvre de toutes les mesures de sécurité nécessaires pour assurer la sécurité des tiers. Plus d’infos ici !
– Le télépilote d’un drone est responsable des dommages causés par l’évolution de l’aéronef ou les objets qui s’en détachent aux personnes et aux biens de la surface (article L.61613-2 du code des transports).
– Le client, autrement dit la production, doit s’assurer de la légalité du cadre d’exercice de son prestataire (opérateur). S’il fait travailler des personnes non homologuées, en cas d’accident, sa responsabilité pourra être engagée.
– Si la mise en œuvre du drone s’est fait en violation des règles de sécurité, les dispositions pénales du code des transports s’appliquent : peine maximale d’un an d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende (article L.6232-4 du code des transports).

Les deux arrêtés du 11 avril 2012 relatif à « la conception des aéronefs civils qui circulent sans aucune personne à bord, aux conditions de leur emploi et sur les capacités requises des personnes qui les utilisent » a été publié au Journal officiel de la République française en date du 10 mai 2012… Ici et ici !

Les exploitants réalisant des prises de vues aériennes doivent respecter les dispositions de l’article D. 133-10 du code de l’aviation civile et de l’arrêté du 27 juillet 2005 portant application de cet article.

Source : www.filmfrance.net

Source : www.filmfrance.net

– – –
Pour aller plus loin :
– DGAC (direction générale de l’Aviation civile) : http://www.developpement-durable.gouv.fr/Drones-civils-loisir- aeromodelisme
– CNIL (Commission nationale de l’informatique et des libertés) : www.cnil.fr
– FFAM (Fédération Française d’AéroModélisme) : www.ffam.asso.fr
– FPDC (Fédération Professionnelle du Drone Civil) : www.federation-drone.org

Ainsi que de très bon articles :
helicomicro.com
aerofilms.fr

Crédit Image à la une : www.aerialremotes.com

Cela n’a pas été facile de faire une synthèse de cette réglementation complexe alors j’invite les professionnels du secteur qui pourraient lire ceci à nous contacter en cas de raccourcis, erreurs ou omissions. Merci.

– – –
# Mise à jour du 19 mars 2017 #

Un arrêté publié le 27 janvier 2017 définit les zones interdites, en France, à la prise de vue aérienne par appareil photographique, cinématographique ou tout autre capteur.

Il abroge l’arrêté du 15 mai 2007 qui fixait la précédente liste des zones interdites de survol.

L’ arrêté du 27 janvier 2017 précise donc 157 zones interdites à toute captation aérienne au dessus du territoire français. Sous certaines conditions, des dérogations à ce principe peuvent être accordées par le ou les ministres de tutelles de la zone conformément à l’article D133-10 du code de l’aviation civile.

Source : Yves Beaumont pour la CCHSCT cinéma

Vous aimerez aussi...

2 réponses

  1. ARAssociés dit :

    Article mis à jour suite à un arrêté publié le 27 janvier 2017 qui définit les zones interdites, en France, à la prise de vue aérienne par appareil photographique, cinématographique ou tout autre capteur.

  2. Tibwa Nzapa dit :

    Article très technique mais nécessaire. Ne connaissant pratiquement rien aux drones jusqu’à présent, j’ai appris énormément. Je vais approfondir le sujet car ces informations sont également importantes pour les administrateurs de prod ;)

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.