3ème assistant mise en scène : trucs et astuces

À l’occasion de la sortie du film La Bête de Bertrand Bonello, nous vous proposons de lire le témoignage de Thomas Dahirel, qui y a travaillé en tant que 3ème assistant mise en scène. Voici son retour d’expérience de ce tournage. Cela vous permettra de vous éclairer sur les bonnes pratiques et vérités générales concernant ce poste.

Thomas nous rappelle que ces “ptits tips” ne sont bien entendu pas exhaustifs, et libre à chacun de les considérer (ou non) à sa façon ! Il faut ainsi garder à l’esprit que malgré certaines généralités, chaque projet est unique et se définit “sur mesure” aux besoins de la production du film. Aussi, que ce soit en préparation ou en tournage, chaque équipe mise en scène travaille de manière différente et trouve son propre fonctionnement interne.


Après 5 ans comme assistant de production et de réalisation dans le documentaire et le clip, j’ai suivi une formation pour travailler à nouveau en assistanat mise en scène de fiction.

Par la suite, j’ai eu l’opportunité de rencontrer la 2ème et la 1ère assistante mise en scène, puis la directrice de production, afin de travailler comme 3ème assistant sur La Bête de Bertrand Bonello.

 

Synopsis : Dans un futur proche où les émotions sont devenues une menace, Gabrielle décide enfin de purifier son ADN dans une machine qui la replongera dans ses vies passées et la débarrassera de tout sentiment fort. Elle rencontre alors Louis et ressent un lien puissant, comme si elle l’avait toujours connu. L’histoire se déroule sur trois périodes distinctes : 1910, 2014 et 2044.


1 – La préparation1 semaine, du 15 au 19 août 2022

Plusieurs années se sont parfois écoulées entre le début du développement du film et sa pré-production : écriture du scénario, études de faisabilité, castings et repérages, recherche de financements, etc. De mon côté, quelques jours avant le début du tournage, c’est ma première semaine de préparation, et la dernière pour le reste de l’équipe !

Je vais donc assister Barbara, la 1ère assistante mise en scène, mais surtout Julia, la 2ème assistante mise en scène, dans la finalisation du plan de travail du film. Si mon poste est couramment appelé “3ème assistant mise en scène”, administrativement c’est l’appellation “Auxiliaire à la réalisation” qui est utilisée. Selon la convention collective, il ne peut y avoir de 3ème assistant s’il n’y a pas de 2ème assistant.

Pour la préparation de ce projet, notre équipe mise en scène dispose d’un bureau, à côté de celui de l’équipe régie, au sein de la société de production. J’ai bien entendu lu et relu le scénario, car en tant qu’assistant mise en scène, j’aime bien connaître le film et ses séquences (En le relisant chaque week-end, je l’ai lu une dizaine de fois en tout !).

Je découvre le plan de travail conçu par la 1ère assistante après son dépouillement séquence par séquence. Il s’agit de répertorier les éléments présents dans le scénario mais aussi y ajouter ceux ajoutés avec les discussions avec le réalisateur. Le plan de travail comporte donc tous les éléments nécessaires à la fabrication du film, et permet d’optimiser le temps et la facilité de tournage en harmonisant les jours et semaines de celui-ci selon les décors, comédiens, figurants et effets nécessaires pour la réalisation du film.

Le 1er assistant dispose d’une vision globale du film et parle des besoins de fabrication de celui-ci aux chefs de postes : Production, régie, image, machinerie, électricité, son, SFX et VFX, décor, HMC (habillage, maquillage, coiffure), etc… 

En préparation, en tant que bras droit du réalisateur, il doit donc penser et orchestrer tout ce dont celui-ci aura besoin pour faire son film. Autrement dit, pour chaque jour de tournage, un ou plusieurs décors filmables, aménagés pour la séquence, avec les comédiens et figurants prêts pour y jouer, l’équipe technique nécessaire, les effets voulus par le réalisateur et son découpage technique. Heureusement, ce n’est pas au 1er assistant de se charger des besoins administratifs, logistiques et matériels. Mais ils abordent ces points ensemble avec le directeur de production et le régisseur général.

 

Chaque équipe trouve sa propre organisation interne.


La plupart du temps, le 1er assistant délègue des missions à son 2ème assistant, afin qu’il puisse être plus disponible pour parler avec le réalisateur, le directeur de production et les chefs de postes, et surtout se concentrer sur le plan de travail.
Le 2ème assistant mise en scène sera, en préparation, un peu plus dans l’organisation des détails des séquences (effets, costumes, accessoires, etc.) afin de régler certains points avec les autres équipes du film.

Globalement, à quelques semaines du tournage, la structure du plan de travail du film est déjà bien fixée. Cependant, il y a toujours des mauvaises surprises : la perte d’un décor, l’indisponibilité d’un comédien (ou d’une doublure), ou encore des conflits d’agendas propres au film. Le scénario peut donc légèrement ou beaucoup évoluer et s’adapter aux imprévus de tournage comme de budget. Ainsi après discussion avec la production, le nombre de figurants peut varier et les heures de tournage changer (de nuit ou les jours fériés, ça coûte plus cher !). En collaboration avec le directeur de production qui valide le plan de travail, le 1er assistant doit donc toujours garder dans un coin de son esprit la convention collective afin de réfléchir à un plan de travail et des journées de tournages qui respectent les obligations légales.

Pour des raisons d’organisation, il a souvent deux versions du plan de travail faites sur deux logiciels différents. Sur ce projet, il y avait en effet une version Microsoft Excel (destinée à être imprimée pour la préparation des chefs de poste), et une version faite sur Movie Magic Scheduling qu’on utilisait en interne dans l’équipe mise en scène. Mon rôle a été principalement de comparer et de tenir à jour et au propre ces différentes nouvelles versions. Je devais  aller chercher dans le logiciel MMS des fonctions pour sortir, à la demande de la 2ème assistante, des documents, comme par exemple les séquences par jour de tournage des comédiens, ainsi que leurs jours off. J’ai également été amené à faire du dépouillement et des listes de recommandations de corrections pour la 2ème assistante. Il est bon de savoir que si nous n’avons pas de licence pour les logiciels ou plateformes utilisées (Movie DATA, Setkeeper, Outlook Movie, Fuzzlecheck, etc..) l’équipe mise en scène ou la production peut nous en fournir une.

Si les pick-ups comédiens sont assurés et organisés par l’équipe régie, sur ce tournage j’allais être en charge d’y accompagner un des rôles principaux. Lors de cette dernière semaine de préparation j’allais devoir récupérer “la voiture comédien”. Selon les projets, il peut s’agir d’une voiture normale ou d’une très belle voiture, cela dépend de ce qui a pu être convenu entre la production et les agents des comédiens. Mais pas de généralité ! Parfois, la personne qui fait le pick-up peut le faire avec son véhicule personnel… qui doit être bien entendu assuré et défrayé par la production. Pour ce film, j’allais donc amener la comédienne principale à ses différents rendez-vous propres à la préparation du tournage. Des répétitions avec le réalisateur, des essayages de costumes ou de perruques, des cours d’apnée pour une des séquences aquatiques du film, ou encore pour la journée de test caméra et lumière dans un studio, et bien entendu pour le pot d’accueil de tournage où toute l’équipe se rencontre. C’était aussi une manière de me présenter à Léa Seydoux, afin qu’elle se familiarise avec moi, car jouant le rôle principal, nous allions passer 9 semaines ensemble.

Enfin, une de mes autres missions fût de préparer en avance mes Jours à jour. Ce sont les extraits du scénario comportant uniquement les séquences par jour de tournage. C’est un document très utile, car il permet notamment d’accéder facilement aux dialogues pour les comédiens et les équipes. Chaque projet est différent et les Jours à jour sont édités différemment selon les tournages, les productions et les demandes des chefs de poste. Les JàJ peuvent exister en différents formats et ils ne sont pas toujours imprimés pour des raisons écologiques, mais il est généralement envoyé la veille en format PDF avec la feuille de service. Sur des projets confidentiels, il peut y avoir parfois un watermark dessus, un liseret additionnel avec le nom de la personne, afin de sensibiliser pour que cet extrait du scénario ne soit ni perdu ni publié.

Pour ce film, j’ai globalement édité et imprimé les jours à jour sur Microsoft Word, en format A5 recto/verso, plus pratique pour tenir en poche. Les demandes n’étaient pas les mêmes selon les équipes. Par exemple pour l’équipe machinerie, uniquement le chef machino en avait besoin d’un, tandis que pour l’équipe son, ils souhaitaient tous en avoir un en recto afin de pouvoir suivre plus facilement les dialogues. Notre scripte m’a de son côté demandé le scénario en A4 recto avec une séquence par page.

Généralement, je distribuais les Jours à jour en fin de journée aux chefs de poste pour leur équipe, mais aussi parfois à leurs assistants quand ils étaient occupés. Le vendredi soir, je distribuais ceux pour le lundi matin. C’est un petit moment informel, qui peut être expéditif du fait du manque temps, car je devais ramener la comédienne chez elle, tout comme il peut être sympathique pour discuter avec les équipes avec qui on n’a pas eu le temps d’échanger dans la journée.

Durant les journées de tournage de ce projet, je n’allais pas tout le temps avoir la possibilité de les éditer ni de les imprimer, alors je devais le faire pour les premières semaines afin de les avoir sous la main, dans une grosse chemise cartonnée. Ainsi je pouvais agrafer la veille les séquences qu’on allait tourner le lendemain. Du fait que le plan de travail peut évoluer durant le tournage, il fallait que je puisse avoir mon ordinateur portable avec moi pour rapidement les éditer en fin de journée et aller au bureau de prod les imprimer, puis les distribuer. 

Pour finir, avant le tournage, je dirais qu’il faut anticiper le fait qu’on ne va pas avoir beaucoup de temps libre en dehors du film, et qu’on doit donc prévoir certaines choses qui ne s’improvisent pas le premier jour du tournage. Ayez des vêtements appropriés pour le lieu et les météos de tournages, comme par exemple de bonnes chaussures de randonnées si c’est un décor sauvage. Porter une sacoche / banane “de tournage” pour y stocker nos clés de voiture, une batterie de talkie supplémentaire, des crayons et des Jours à jour en rab, et éventuellement des affaires personnelles des comédiens, etc. Je vous conseille d’avoir un bon téléphone portable, avec une batterie qui tient, une application GPS fonctionnelle, une batterie externe ainsi qu’un câble android ET Iphone (les comédiens apprécieront). J’avais également un petit sac à dos léger pour y mettre des documents importants comme le scénario complet, les Jours à jour, un lutin (petite chemise plastifiée où on met nos notes de frais, les dépenses engendrées par le film, comme le plein d’essence pour la voiture de jeu)… Pensez aussi une carte bancaire fonctionnelle et selon les productions, vous pouvez demander une avance sur dépenses.

De mon côté, j’enregistre dans mon téléphone les numéros “anonymisés” des comédiens (en cas de perte de téléphone, ce serait “dommage” que les numéros circulent…) et des personnes clés avec qui on va correspondre pendant le tournage. La production vous fournira la liste artistique et technique se trouvant dans la Bible de tournage (document confidentiel établi par le secrétaire de production recensant toutes les informations utiles au tournage). Je recommande d’avoir à portée de main, sur soi ou dans la voiture comédien, quelques stylos qu’on pourra prêter, un briquet et un cendrier portatif pour les comédiens fumeurs, une agrafeuse pour les Jours à jour, un parapluie… Tous les petits objets utiles à la survie sur un plateau !

Et bien entendu n’oubliez pas toutes choses utiles qu’on ne pourra pas vraiment faire pendant 9 semaines, comme aller chez le coiffeur, le dentiste, faire ses courses, voir ses amis ou sa famille (ah ah) car les week-ends, on chill et on dort !


2 – Le Tournage9 semaines, du 22 Août au 22 octobre 2022
Paris, Île de France et PACA.

C’est le grand jour, le J1 !

LE PICK-UP

Pour ma part, ma journée de tournage en tant que 3ème assistant mise en scène commençait par le pick-up comédien. Il s’agissait pour moi d’aller chercher la comédienne principale du film chez elle, avec la « voiture comédien ». Mais cela varie selon les productions. Occasionnellement, un comédien peut venir par ses propres moyens ou avec un taxi commandé par la production. Sa venue sera toujours supervisée par l’équipe régie.

Pour ne pas commencer la journée en retard, je recommande de regarder sur Google map / Waze les itinéraires avec l’heure d’arrivée prévue et toujours prévoir d’arriver 15/20 minutes en avance de l’heure de rendez-vous pick-up. En cas de retard, ça nous sauve, surtout à Paris aux heures de pointe, d’autant plus qu’il peut être compliqué de bien se garer proche de chez le comédien. Quand il n’y a pas de place il faut malheureusement parfois savoir s’en improviser une… Une fois garé, j’ai pour habitude d’envoyer un texto quelques minutes avant l’heure du rendez-vous pour confirmer que je suis bien là au comédien : ça peut sauver un rendez-vous pick-up en lui rappelant qu’on l’attend (ou s’il s’est rendormi le matin !).

La première chose à faire, une fois que le comédien s’est bien installé dans la voiture, c’est de lui remettre son JàJ. J’aime bien en avoir plusieurs exemplaires pour pouvoir lui en donner un dans la journée au cas où il s’en sépare. Un 3ème assistant mise en scène doit connaître parfaitement la feuille de service, et particulièrement les horaires ainsi que les séquences du jour pour pouvoir répondre aux questions du comédien pendant le pick-up. Bien connaître la semaine, en ayant une vision du plan de travail, peut aussi permettre de répondre aux interrogations du comédien pour contextualiser les choix de plan de travail du 1er assistant mise en scène et apporter des explications à ceux-ci. Lors du pick-up du soir, il faut penser à lui donner le JàJ du lendemain tout en connaissant les séquences que nous allons tourner afin de pouvoir répondre à ses questions.

Globalement, en termes de relation avec les comédiens, que ce soit en loge, en HMC ou au plateau, mais aussi lors des pick-ups, qui est un moment un peu plus privilégié, je dirais qu’il faut savoir tenir une conversation, mais sans vraiment trop prendre l’initiative d’en commencer une. Les comédiens peuvent en effet vouloir être tranquilles le matin et/ou le soir, ou au contraire vouloir parler, que ce soit du film, du scénario, de l’ambiance sur le tournage et peut-être même du réalisateur. Il faut toujours servir le film et le représenter avec bienveillance, tout en étant diplomate, en ne rentrant pas en contradiction avec le comédien pour ne pas parasiter sa journée. Je pense que connaître un minimum leur biographie ou filmographie, sans tomber dans le côté people, est un plus pour pouvoir discuter pertinemment avec eux et ne pas aller à contre-sens de leurs intérêts ni de celui du film. 

En général, je dirais qu’il ne faut pas trop parler de soi, sauf s’ils nous le demandent, et c’est souvent le cas. On peut les connaître en tant que personnalité publique, mais pour eux, les premiers jours, nous sommes des parfaits inconnus avec qui nous allons partager plusieurs semaines. C’est alors bienvenu de trouver des sujets de conversations, des points en commun en dehors du tournage et du cinéma, comme le sport, la cuisine, la musique, etc. Évitez la politique !

Durant le pick-up, il faut conduire prudemment, respecter le Code de la route (la prod ne paiera pas les amendes !)… même si le comédien demande d’accélérer ou de prendre des sens interdits. Le fait de prendre conseil pour prendre tel ou tel itinéraire au lieu de celui du GPS, “car ça va plus vite sur ce boulevard, je connais bien ce quartier” est à vos risques et périls. Vous pouvez vous le mettre dans la poche, tout comme arriver avec du retard et vous faire taper sur les doigts par le 2ème assistant !

En arrivant au parking, il faut chercher à se garer le plus proche des loges et du HMC (lieu et équipe en charge de l’habillage, maquillage et coiffure des comédiens). Pensez à repérer votre point du rendez-vous la veille en demandant à l’équipe régie ou en regardant sur Google Street View.
J’étais effectivement chargé de Léa au pick-up… Mais en retrouvant, en fonction des jours, George, Guslagie et le reste du casting, la “vraie” journée commence alors !

Il faut être flexible et organisé avec les comédiens pour à la fois assurer la tenue des horaires prévues de leur prépa. Il y a le HMC, plus ou moins conséquent, mais aussi souvent l’installation son avec la pose d’un micro. Il faut leur laisser aussi du temps pour leur permettre de pouvoir prendre un café, poser leurs affaires dans leur loge et dire bonjour aux personnes qu’ils croisent. Un comédien peut avoir besoin de temps pour s’acclimater et découvrir un nouveau lieu de tournage, il ne faut donc pas le précipiter, mais bien garder en vue l’heure de PAT : Prêt à tourner.

Mais avant toute chose, il faut brancher son talkie-walkie et mettre son oreillette, se mettre sur le canal 1, celui de la mise en scène, et signaler notre arrivée ! Vous pouvez aussi faire un petit coucou à l’équipe régie (généralement sur le canal 2) pour annoncer l’arrivée des comédiens… S’il y a eu un petit retard sur la préparation de la loge, ça peut sauver la matinée !


LES LOGES

En décors extérieurs, les loges sont souvent des sortes de grandes caravanes très confortables, mais aussi impersonnelles, où peuvent se reposer les comédiens. Sur ce tournage, il y en a une par rôle principal et parfois aussi pour les rôles secondaires. Elles sont généralement bien équipées (canapé, table basse, minifrigo, toilettes, douches, et de quoi manger et boire… un café!). Lorsqu’on tourne en studio ou dans un bâtiment, les loges se font généralement dans des pièces directement disponibles et louées par la production, qui sont pensées pour ça ou aménagées spécialement par la régie. Et parfois même, ça peut se faire dans le bar le plus proche, privatisé pour l’occasion !

Si on est dans les temps, on peut y amener le comédien en début de journée pour qu’il y pose ses affaires avant le HMC. Entre les prises, lorsque le temps d’installation est conséquent ou qu’on n’a pas besoin de lui pour le prochain plan, il peut s’y détendre ou bosser son texte avec son coach. A la pause déjeuner il peut s’y poser et faire une sieste avant de reprendre. Les comédiens peuvent demander à se faire habiller, coiffer ou maquiller en loge quand ils ont besoin de calme, mais être dans le car maquillage, coiffure ou habillage est aussi bien pour eux afin de discuter avec les techniciens et se préparer mentalement pour le plateau et le tournage.

 

La mission primordiale du 3ème assistant est de toujours savoir où est un comédien,
sans le “fliquer” pour autant !


Un comédien peut s’écarter du plateau ou aller dans une autre pièce pour passer un coup de téléphone, prendre l’air, aller aux toilettes ou aller s’acheter des cigarettes, et oublier de revenir ! 
Pour réussir cette mission, il faut alors donner du temps aux comédiens et donc toujours se renseigner auprès de la 2ème ou 1ère assistante pour pouvoir proposer aux comédiens d’aller dans leurs loges s’ils ne tournent pas pendant un long temps. Je vous recommande aussi d’avertir l’équipe HMC, car il y aura sans doute des raccords, des protections costumes ou des coiffures à anticiper.

Aux loges, l’assistant ne doit pas être intrusif, mais rester à proximité. Selon les situations, on peut prévoir un parapluie et des vêtements chauds pour rester à l’extérieur si les comédiens veulent rester un peu seuls. Dans un tel cas, toujours frapper à la porte bienveillamment avant d’entrer. Lorsqu’on doit s’occuper d’un comédien en plateau et qu’un autre est dans sa loge, lui envoyer un SMS pour le tenir informé est aussi une bonne chose. Globalement, je dirais qu’il faut agir avec finesse, souplesse et bienveillance, la bonne manière d’interagir et de parler avec un comédien pour que le tournage se déroule bien, à commencer par le fait qu’il sorte facilement de sa loge. Certains acteurs peuvent aussi préférer rester sur le plateau et refusent catégoriquement d’entendre parler de loges. Il faut donc toujours agir au cas par cas et être à l’écoute !

 

On est assistant mise en scène, pas assistant personnel,
on travaille pour le film avant tout, avec les comédiens.


Je pense qu’il faut donc savoir mettre de la bonne humeur, être optimiste vis-à-vis des éventuelles difficultés du tournage, tout en restant réaliste et savoir dire qu’on est en retard et attendu sur le plateau. Les comédiens sont des professionnels et agissent pour la plupart en cohésion avec les besoins d’un tournage. Cependant ils peuvent être fatigués, comme toutes les personnes du tournage, sauf que pour eux ça peut se voir à l’image… alors tout en les rendant autonomes, il faut savoir les ménager, les préserver et aussi leur donner un peu de notre énergie !


LE HMC

Que ce soit pour un film d’époque, de genre ou contemporain avec moins d’effets, le 3ème assistant représente l’équipe mise en scène au HMC et aux loges. Une heure d’arrivée est prévue pour chaque comédien, ainsi que des heures de passage à l’habillage, au maquillage et à la coiffure. Les rôles secondaires et les silhouettes peuvent être pris en charge par une seconde équipe HMC, tout comme les figurants, surtout s’ils sont nombreux, qui sont généralement accueillis dans d’autres locaux.

Le 3ème assistant mise en scène doit appliquer l’ordre de passage au HMC qui a été défini par le 2ème assistant avec l’équipe HMC. Tout est indiqué sur la feuille de service. En effet, des besoins de costumes peuvent nécessiter de passer après la coiffure par exemple, et inversement. Sur ce film avec une partie d’époque, nous pouvions avoir des corsets trop serrant ou des hauts blancs pouvant être tachés. Le 3ème n’aura pas forcément tous les détails de l’organisation pensée par le 2ème assistant en préparation, mais il doit s’y tenir. Notre mission est donc de veiller à harmoniser les passages d’un poste à un autre, tout en se faisant discret pour laisser le chef de poste travailler et préserver ce moment “privilégié” qu’il partage avec le comédien. Se rapprocher des chef.fes coiffeurs, maquilleurs et costumes, mais aussi de l’ingénieur du son qui posera le micro dans le costume du comédien, pour connaître leurs besoins, notamment du temps nécessaire, peut-être une très bonne idée pour que le passage HMC se déroule au mieux et respecter le PAT.

Le 3ème assistant mise en scène veillera à toujours indiquer à son équipe l’heure réelle du début ainsi que la fin réelle d’une prépa HMC, pour mettre à jour l’estimation, normalement “non théorique” de la feuille de service, afin de prévenir des potentiels retards ou avances, et harmoniser l’ordre des passages en fonction. En effet, des fois ça va plus vite…souvent ça prend plus de temps. Il y a aussi parfois des temps incompressibles sous-estimés, comme les trajets, qui peuvent causer du retard. Faites remonter les informations au 2ème assistant ! Si on n’a pas eu assez de temps ou que quelque chose peut être éventuellement optimisé, signalez-le car cela peut servir les besoins du tournage. 

Par la suite, il faut prévenir son équipe que les comédiens sont prêts (habillés, maquillés, coiffés, équipés au son) et s’assurer qu’on a l’autorisation pour les amener au plateau. En effet, il se peut que leur présence soit prématurée ou non voulue, car le plateau n’est pas prêt et que ça puisse compliquer les choses. Personnellement, j’ai pour habitude d’ouvrir la marche quand je les amène au plateau. Je peux ainsi repérer s’il y a des obstacles ou autres sur le chemin (blocages, câbles, chariots roulants d’une équipe technique, etc.). Parfois une partie du HMC se termine en plateau, comme l’ajout d’un accessoire de luxe, le micro, ou des chaussures de jeux qui font mal aux pieds ! Donc, prévoyez un peu de temps !


LE PLATEAU

Maintenant, nous sommes au plateau. Si le comédien a été à l’heure pour le pick-up, qu’il n’y a pas eu de retard sur la route, que nous avons veillé à ce que le HMC se passe bien, que le comédien est prêt, a bu son café et dit bonjour à ses nouveaux potes sur le tournage, nous sommes théoriquement à l’heure pour le PAT ! Félicitations, “grâce” à vous, 3ème assistant mise en scène, nous allons pouvoir tourner !

L’idéal, c’est que le 3ème assistant ait vu le plateau afin d’anticiper ce qu’il a besoin de savoir : Où aller avec les comédiens ? Selon les tournages, on peut confier les comédiens prêts à leur réalisateur. On en profitera pour dire bonjour au 1ᵉʳ assistant, qui est presque toujours à ses côtés. En effet, en tant que chef de plateau, c’est lui qui donne le rythme à l’équipe et fait en sorte que tout se passe bien. Mais la plupart du temps, ce n’est pas possible, car ce binôme est occupé. J’ai pour habitude de garder en tête qu’il faut préserver les comédiens et leurs futurs jeux : les amener dans un coin tranquille du plateau, leur aménager leur chaise pliante, un ventilateur, un plaid ou un chauffage, à l’abri des regards, du bruit, mais aussi de l’axe caméra, des lumières et effets.

Parfois le réalisateur a eu le temps de passer en loge ou au HMC pour leur dire bonjour, mais ce n’est pas toujours évident, alors c’est aussi un moment qu’il faut préserver pour le début de journée entre un comédien et son réalisateur.

Le premier réflexe d’un 3ème assistant mise en scène, lorsqu’il a confié le comédien au réalisateur, est d’aller auprès du 2ème ou du 1er si ils sont disponibles, pour chercher l’information concernant le découpage technique. Sachez ce qu’on tourne en premier, comment va-t-on tourner, combien de temps ça va prendre et ce qu’on va tourner après. Bien connaître sa feuille de service est inévitablement un plus. Réussir à savoir combien de plans et lesquels nous allons tourner pour cette séquence est donc important, et permet de gagner en expérience, tout comme le fait d’apprendre à estimer le besoin de temps d’un plan, d’une séquence, que ce soit pour son installation (un travelling prendra surement plus de temps qu’un plan fixe) et son exécution (s’il y a beaucoup de figurants par exemple, il y aura plus de prises, car la scénographie sera plus complexe).

Le fait de connaître ce découpage technique et son temps nécessaire permet à la fois de statuer l’état d’avancement d’une séquence, mais surtout de pouvoir très rapidement répondre à un comédien et à l’équipe HMC, venue au plateau ou attendant souvent au combo (l’écran transmettant l’image de la caméra) afin d’anticiper des besoins spécifiques de retouche et raccord).

Il faut savoir ce dont vont avoir besoin les comédiens : si on fait un plan large, la comédienne va devoir, à l’aide de l’habilleuse, remettre ses chaussures de jeu qui lui font mal… et après quelques jours de tournage, on sait que ça ne va pas prendre 1 ou 2 minutes à la volée, mais très exactement 182 secondes et 15 centième ! Ça peut sembler anecdotique, mais quand on est déjà en retard et que tout le plateau nous attend, ça peut paraître durer une éternité… Alors il faut anticiper ! À l’inverse, s’il nous reste par exemple qu’un gros plan sur ses pieds avant la coupure dej, la comédienne peut enlever sa perruque !

Sur ce projet, j’étais très souvent l’interlocuteur de l’équipe HMC. C’était à moi de leur donner l’état d’avancement du plateau et de statuer avec eux si un raccord maquillage ou coiffure (ajuster le maquillage ou les cheveux bien comme il faut) est nécessaire à la séquence. Avoir à portée de main de quoi éclairer la maquilleuse qui fait un raccord dans une boîte de nuit très sombre, c’est aussi une très bonne idée.

Je dirais qu’il est important de savoir travailler en équipe et de jauger si vous pouvez prendre une initiative tout seul. Souvent vous n’aurez pas toutes les informations, les tenants et aboutissants d’un problème, alors évitez d’improviser vous même une solution qui ne pourrait qu’aggraver celui-ci… surtout si ce problème ne concerne pas votre poste… car il deviendra votre problème ! 

 

« Je vais me renseigner, je transmets l’info »

 

C’est une phrase magique qui pourra vous sauver dans pas mal de situations. Elle permettra en plus de rassurer et de temporiser certaines demandes ! Je recommande donc de communiquer et de jauger si on peut interagir avec du matériel ou des accès qui dérangeaient par exemple le déplacement des comédiens, la composition du cadre ou même votre blocage lors d’une prise… au risque de pénaliser le travail des autres équipes et le bon ordre du tournage !

Globalement, je pense que le 3ème doit être informé, discret, mais disponible, à l’écoute des discussions et avoir une vision globale, savoir qui fait quoi et pourquoi, sentir l’ambiance du plateau, tout en gardant de la finesse et de la bienveillance pour les comédiens dont il est responsable : il doit toujours savoir où ils sont et ce qu’ils font. Le rôle du 3ème assistant peut aussi être d’informer l’équipe sur la séquence en cours, et d’optimiser les mouvements et déplacements sur le plateau. Par exemple en libérant l’axe caméra, les axes lumières, en demandant un peu de silence pour que les gens puissent se concentrer. J’aime bien aussi veiller à ce qu’il y ait assez de place autour du grand combo pour les comédiens et le réalisateur après une prise ou que l’équipe électro-machino ait la place de se déplacer et travailler avec leur matériel. Enfin, je dirais qu’il est important de savoir créer une bulle pour les comédiens, que ce soit pendant leurs moments off ou leurs raccords, qu’ils soient tranquilles au milieu de cette fourmilière.

D’ailleurs, avoir eu le temps de relire les séquences le matin, pendant la préparation HMC par exemple, est aussi un vrai plus qui permet de bien comprendre les enjeux de celle-ci, et d’éventuellement pouvoir répéter le texte avec les comédiens s’ils le demandent.

Juste avant la prise, le 3ème assistant mise en scène doit s’assurer que la comédienne est prête, disponible, et la mettre en position pour la laisser au réalisateur. Pendant la prise, j’assistais la 1ère et la 2ème dans les annonces et le silence. Le 3ème doit aussi faire les blocages du plateau pour conserver l’axe de la caméra et préserver les lignes de regard des comédiens, pour qu’ils ne soient pas perturbés par des parasitages visuels, comme ça peut être le cas lorsqu’on tourne en décors ouverts, avec la présence de personnes externes au tournage. Pendant la prise, le troisième peut aussi participer au “topage”, en disant le fameux “action” à un comédien ou une silhouette. Le top peut se donner verbalement, avec un signe ou un geste si on ne doit pas faire de bruit (petite tape sur l’épaule par exemple) et il est défini à l’avance avec l’équipe mise en scène en fonction du rythme et du mouvement global de l’action. Entre les prises, il ne faut pas hésiter de temps en temps, sans trop les importuner, à proposer de l’eau aux comédiens ou au réalisateur, car un réalisateur, ça peut oublier de s’hydrater ! 

J’aime bien connaître la table régie et être complice avec les régisseurs pour rapidement aller chercher et trouver ce dont on a besoin : ça peut être des chewing-gums, un pansement, notre recette express d’infusion citron vert / gingembre / miel de lavande… Un tournage, une séquence, un plan, de multiples prises, tout cela demande beaucoup d’énergie, alors il faut aussi savoir se mettre au service de l’équipe.

Durant sa journée de tournage, un 3ème assistant mise en scène sera presque toujours debout, et on peut beaucoup marcher, monter et descendre des escaliers. Sur ce film, entre les loges, le HMC, les plateaux de chaque décor, le bureau de prod, la cantine, la table régie, le parking… ma plus grosse journée, c’était plus de 30 000 pas indiqués par mon téléphone portable, soit plus de 24 km (Record battu depuis… avec 45 000 pas sur un autre tournage !). Parfois, selon les situations, on peut être amené à marcher vite, mais il ne faut pas courir non plus pour ne pas perturber le tournage. Parfois, on doit se déplacer sans faire de bruit pendant la prise de son afin d’empêcher une personne qu’on observe en train de commencer à se faire un café à la table régie, parfois, on doit marcher en chaussette pour préserver un décor… Un 3ème assistant mise en scène est un excellent compromis entre un ninja et un marathonien !

Je vous recommande d’avoir de très bonnes chaussures ainsi que des vêtements adaptés dans lesquels vous êtes à l’aise. Si possible, il faut préserver les quelques heures de tranquillité et de sommeil que l’on a, car c’est un métier de passion, mais qui peut être physique, avec aussi des moments de rushs et de pressions.

 

Il faut savoir rester positif et à l’écoute des besoins des autres.


Soyez malin, bienveillant et flexible, car parfois, on a de sacrés défis, comme devoir trouver un moment pour aller imprimer ou chercher des choses au bureau de prod qui est très loin de tout, et que le seul moment où on peut le faire c’est à la coupure dej… alors que la cantine est à l’opposée ! Théoriquement, on est censé avoir une heure pour manger, mais dans ces situations-là, qui ne sont pas à encourager, on se dépêche et on se dit qu’on se rattrapera le soir chez soi après le tournage !

Mais ce qui compte, c’est que le soir, à la fin de la journée de tournage, on puisse passer les Jours à jour aux chefs de postes avant de partir pour le pick-up retour du comédien !


FIN DE JOURNÉE

Pendant que les électros et machinos en ont encore pour un moment à désinstaller, qu’on croise enfin l’équipe déco qui vient pour préparer le décor du lendemain, ou que la régie commence à servir un pot pour l’anniversaire de leur stagiaire, nous avons le droit, nous 3ème assistant mise en scène, de rapidement partir pour ramener le comédien chez lui… On passe donc souvent à côté des pots d’équipe, mais on n’est pas les derniers à arriver chez nous !

Le réalisateur est très content de ses plans, les comédiens sont satisfaits et vous remercient, le directeur de production, la 1ère assistante mise en scène et le régisseur général doivent à la dernière minute régler un imprévu de plan de travail… Mais vous, la seule chose qu’il vous reste à faire, une fois le comédien déposé et son JàJ donné, c’est d’envoyer des petits textos aux comédiens prévus du lendemain pour vous présenter s’ils ne vous connaissent pas encore. Vous n’oublierez pas de leur indiquer leurs horaires de pick-up ainsi que leurs séquences, et vous confirmerez le tout à la 2ème assistante !
Félicitation, vous avez survécu à cette première journée !

 

“Quatre mois de préparation et environ 12 heures de tournage se transforment en environ 30 secondes d’écran »
Wentworth Miller


Tous les métiers du cinéma convergent vers un élément central : le scénario  (bon ok, aussi le plan de travail… et surtout le budget !).

Certains postes, tels que le metteur en scène, ses assistants, la scripte et parfois les coachs, travaillent « au plus près » de la rencontre entre le scénario et les comédiens. Bien que les assistants mise en scène puissent évoluer du 3ème au 1er, chaque rôle a des compétences, des responsabilités et des profils distincts au sein d’équipes adaptées à chaque projet. 

Depuis ce tournage, j’ai également travaillé en tant qu’assistant chargé de figuration. A mon sens, c’est un poste très complémentaire à l’équipe mise en scène. J’avais comme mission la gestion des figurants et de leur mise en scène. S’ils sont moins visibles, ils ne sont pas moins essentiels à l’histoire ! Bien que différente, la relation que j’ai eu avec les acteurs de compléments (nom administratif des figurants) pouvait être similaire en plusieurs points à celle que j’avais en tant que 3ème assistant avec les comédiens.

…Mais ça, ce sera l’objet d’un autre article !

Malgré ces différences, nous sommes tous réunis autour d’une envie collective : Faire un super film !

 

“Le cinéma, c’est une parenthèse enchantée.”
Fabrice Luchini


Nous vous proposons de prolonger la lecture avec les articles suivants :
Bibliographie de l’assistant réalisateur
Le parfait kit de l’assistant réalisateur
Les 7 erreurs de l’assistant réalisateur
La politique de la « chaise vide » aux loges
Quid du « jour à jour » !
L’imprimante de la mise en scène
L’art de se placer sur un plateau de tournage


ARA remercie Thomas Dahirel pour la rédaction de cet article.
Crédits photo : La Bête (Arte France Cinéma/Les Films du Bélier/My New Picture/Sons of Manual) – Bridgerton (Liam Daniel/Netflix) – Autres photos (DR) – MacGyver (Henry Winkler/John Rich)

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