Fausse bonne idée n°1 : Ne pas prendre de scripte !

Depuis quelques temps, un phénomène inquiétant se propage en court mais aussi en long métrage… L’absence de scripte sur le plateau !
Bad ideaSur un film étudiant ou à micro budget, à chronologie ultra simple, cela peut éventuellement s’envisager (et encore !). Mais sur tous les autres, l’incompréhension nous saisit ! Essayons de comprendre.

Nous masculiniserons ici le terme de scripte conformément au souhait de l’association LSA (Les Scriptes Associés) et de la convention collective.

Petit rappel synthétique : Un scripte est recruté en amont du tournage par la production (producteur ou directeur de production) ou le réalisateur. Une fois embauché, il établit une continuité et un pré-minutage à partir du scénario. Il suit ensuite tout le processus préparatoire et participe au tournage. C’est le « collaborateur direct, technique et artistique du réalisateur ».

Les arguments souvent avancés par les productions et les réalisateurs, pour ne pas prendre un scripte, se résument souvent et respectivement à deux mots : coût et pertinence !

Oui, un scripte coûte de l’argent et peut aussi manquer de pertinence en cas d’incompétence ou d’inexpérience. Une démonstration simpliste qui pourrait s’appliquer à d’autres postes considérés pourtant comme incontournables. Ce qui pénalise le scripte est principalement la méconnaissance de son travail qui consiste à incarner le premier ange gardien du film.

Nous sommes en quelque sorte des témoins : on a la mémoire du film, la mémoire des intentions de la mise en scène, la mémoire des choix qui ont été faits à différents moments, mais on fait aussi le lien avec le montage, la mise en scène elle-même, l’écriture cinématographique, l’enchaînement des plans. – Bénédicte Kermadec

Cependant, un scripte un peu vert peut basculer aisément dans un des deux grands « profils écueils » du métier :

  • Le scripte zélé qui ennuie le réalisateur par des remarques futiles, surabondantes ou placées au mauvais moment comme au « coupez » quand celui-ci souhaite avant tout discuter avec ses comédiens et son opérateur.

  • Le scripte effacé, plongé dans ses rapports, loin des préoccupations du réalisateur, du plateau et des enjeux du film.

En effet, le traumatisme peut être profond pour les productions et les réalisateurs qui font ces deux types de rencontres. Que cela ne les dissuadent pas pour autant de faire la bonne et qui changera tout, positivement !

C’est la personne dont je sollicite l’opinion en premier. – Xavier Dolan

La scripte est la mémoire du film – la « Fée Clochette » – elle me reparle du scénario quand je m’en éloigne plus ou moins volontairement. Elle s’assure qu’il s’agit d’un choix et non d’un oubli. Elle assure la continuité du film, non seulement les raccords localement, mais aussi la cohérence globale… – Bruno Podalydès

Notre citation préférée est de Claire Denis :

Une scripte veille sur le film en douce, par opposition à la nécessaire évidence des relais créés par l’assistant de la mise en scène. Elle oblige tout le monde à se poser les vraies questions, non pas « comment faire » mais « pourquoi faire ». – Claire Denis

Pour ceux qui ont travaillé avec un scripte de qualité, la question de sa présence en préparation et sur le plateau ne se pose plus ! Plus fondamentalement, nous dirions que s’en priver, c’est fragiliser, pour ne pas dire mettre en danger le film ! Arrêtons de croire que l’assistant réalisateur, premier ou second, puisse se substituer à ce poste. Les assistants ont d’autres prérogatives même si ils se doivent d’avoir un oeil bienveillant sur la continuité.

Une petite dernière pour la route !

La scripte est avec le directeur de la photo, le cadreur et le premier assistant, l’un des quatre collaborateurs proches du metteur en scène… Si la mise en scène est une musique, la scripte est celle qui repère les fautes de copie, les dissonances pour les éliminer ou en faire des figures de style. Son oeil écoute. – Bertrand Tavernier

Pour aller plus loin :

Sources des citations : Les Scriptes Associés

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3 réponses

  1. Pantalon10 dit :

    Votre propos est encore plus vrai en TV où le scripte devient de plus en plus
    le seul lien réel entre la pré-production, la production, la fabrication, la post-production et les différents suivis à assurer et assumer (sans oublier les plannings, les assistanats et l’ensemble des relations avec tous les intervenants extérieurs tant avant qu’après) !

    Pourquoi ne pas se passer de l’Assistant Réalisateur et du Chef Opérateur si on n’a pas les moyens financiers … Ils sont bien moins utiles lors du tournage si les autres travaillent très bien !

  2. Hélène de Roux dit :

    Merci pour ce bel article au sujet d’un métier qui n’est pas toujours évident à expliquer, notamment à des réalisateurs débutants qui n’ont pas encore eu la chance de bénéficier de la collaboration avec un scripte. En fait, rien de tel que de ne pas en prendre pour comprendre qu’on en a cruellement besoin… Mais autant ne jamais s’en passer, et votre texte est très convaincant !

    Hélène de Roux
    http://www.cinesysteme.org

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