Quid des marées !

Ah, la mer, l’océan… Horizon d’azur infini où se berce nos rêves et nos espoirs au rythme des vagues et des embruns dont l’écume laisse une trace éphémère sur le sable mouillé.

Trêve de poésie, on a du boulot !

Un tournage en bord de mer apporte toujours son lot de belles images, de beaux moments de cinéma, voir de plaisir à travailler (on ne va pas se mentir, de temps en temps, sortir des klaxons et de la pollution de la ville pour le bon air iodé des côtes peut être agréable).

Toutefois, les désagréments pour l’équipe peuvent vite s’avérer nombreux : Le vent (qui, faute d’obstacles sur une plage, souffle en permanence et plus fort qu’en ville), le sable qui s’insinue (un petit rappel à vos assistants caméra pour se munir de cellophane ne leur fera pas de mal), la difficulté à trouver un lieu de repli sur la plage et bien sûr, la « vie » de la plage : touristes, tracteurs, plaisanciers… qui apportent leurs lots de contraintes (nuisance sonore, blocages, faux-raccords…).

Parmi l’ensemble de ces contraintes typiques à ces lieux, il y en a une qui mérite particulièrement que l’on s’y attache ! Les marées !

Ce phénomène naturel est un véritable adversaire quand il s’agit de constituer un plan de travail. Comment passer une après-midi entière à tourner une scène sur la plage sans se confronter au problème du raccord du niveau de l’eau ? Sans parler des vagues, plus présente et bruyante à marée montante qu’à marée descendante…

Nous allons donc essayer de vous faire comprendre le phénomène avant de vous donner quelques conseils et terminer par quelques recommandations de sécurité.

Les Marées, kezako ?!

Sans entrer dans toute la logique physique et mathématique du phénomène, il est tout de même important d’en comprendre ses mécanismes.
Pour cela, rappelons nous d’abord le principe de l’attraction universelle : tous les corps s’attirent ! (insérer ici une blague de machino). La Lune attire la Terre, la Terre attire la Lune, le soleil attire la Terre, la Terre attire le soleil (dans une moindre mesure évidemment) etc…
La Lune étant plus proche de la Terre que le soleil, son attraction est plus forte. Voilà pourquoi c’est surtout elle qui nous intéresse car c’est principalement notre satellite qui intervient sur les marées.
La Lune attire donc l’eau des mers et des océans à elle, à mesure que la Terre tourne sur elle-même. Il se forme ainsi une sorte de « bourrelet » d’eau (c’est le terme scientifique, si, si) qui s’écarte de la Terre. C’est la première cause des marées.
Marées illustration 2

La marée est la variation de la hauteur du niveau des mers et des océans, causée par l’effet conjugué des forces de gravitation dues à la Lune et au Soleil, et de la force d’inertie due à la révolution de la Terre autour du centre de gravité du système Terre-Lune.

Mais, me direz-vous, il y a deux marées par jour alors que la Terre n’effectue une rotation complète vis-à-vis de la Lune qu’une fois par jour. Certes.
Il y a également un second effet, dû lui à la rotation de la Terre. A l’opposé du « bourrelet » d’eau créé par la Lune, il y a un second bourrelet, créé lui, par la force centrifuge issue de la rotation de notre chère planète bleue.

Lorsque l’une de ces deux forces attirera l’eau vers l’extérieur, il y aura donc marée haute (ou Pleine Mer). Alors que quand ces deux forces seront à 90° vis-à-vis de la planète, il y aura marée basse (ou Basse Mer).

Voilà pour le principe global. Il y a maintenant beaucoup de variantes et de variables à prendre en compte également. En fonction de la zone géographique, de la période de l’année et du calendrier lunaire, la mer ne réagira pas de la même manière.

Commençons par le marnage ! (Le quoi??)

Le marnage désigne l’amplitude de la marée en fonction de l’endroit où vous êtes sur le globe. En mer Méditerranée, il est un des plus petits au monde car le détroit de Gibraltar est trop petit pour permettre de grande variation de niveau de l’eau. Par contre, à l’opposé, la Baie du Mont Saint-Michel possède un des plus grands marnages d’Europe, classé dans le top 10 mondial. En effet, le niveau de l’eau peut varier de plus de 14 mètres contre quelques dizaines de centimètres en Méditerranée. La question du faux raccord par rapport au niveau de l’eau se pose donc différemment dans ces deux régions.

Par ailleurs, les périodes d’alignements Terre-Lune-Soleil ainsi que les équinoxes (autour du 20 Mars et du 23 Septembre plus ou moins de chaque année) sont des périodes propices à des grandes marées, ou vives-eaux. Lorsque l’équinoxe correspond à une pleine ou une nouvelle Lune (alignement des astres), on assiste alors à des marées exceptionnelles.

A l’inverse, quand la Lune et le soleil sont situés perpendiculairement à la terre ou lors des solstices d’hiver et d’été, les marées sont faibles et dites, de mortes-eaux (qui n’ont rien à voir avec les saucisses).

Décryptage

Si tout cela vous paraît un peu confus, pas de problème, l’Homme, dans son génie, trouve parfois des solutions simples aux problèmes compliqués.
Pour ce qui concerne les marées, la lecture d’un simple annuaire des marées ou d’un site internet / application mobile dédiée, vous permettra de vous y retrouver sans trop de soucis.

Annuaire des marées, tiré du site maree.info pour la zone de Granville en Normandie, le 2 février 2015

Annuaire des marées, tiré du site maree.info pour la zone de Granville en Normandie, le 2 février 2015

Quelques astuces tout de même pour bien déchiffrer le tableau en question…

Coeff : Coefficient des marées. 70 est le juste milieu. En dessous, il s’agit d’une marée plus faible. 20 définissant la marée la plus faible possible et 120 la marée la plus haute possible (de coutume, au delà de 100, on parle de grande marée).
PM : Pleine Mer = Marée haute.
BM : Basse mer = Marée basse.

On trouve beaucoup d’autres d’informations sur ce graphique. En haut, les éphémérides, la position de la Lune (ici, dernier croissant), la hauteur du marnage etc… On remarquera également l’intérêt du schéma de variation du niveau de l’eau, bien pratique pour estimer les meilleurs moments pour tourner.

Par exemple, si vous devez tourner une scène avec un niveau d’eau « raccord », il vaudra mieux tourner en pleine mer ou en basse mer plutôt qu’entre les deux, en particulier sur une côte à fort marnage.

Sur l’exemple donné, on constate par exemple qu’entre 9h et 11h, le niveau de l’eau aura monté de 2 mètres alors que sur la même période de temps, entre 12h et 14h, la variation n’aura été que de quelques dizaines de centimètres. Avec une marée à fort coefficient, les variations seront bien plus fortes.

Bon à savoir, si vous tournez une scène en basse mer lors d’une grande marée dans une zone de grand marnage, vous aurez plus de temps devant vous. En effet, plus la mer part loin, moins il est facile d’estimer les distances puisqu’il n’y a moins de repères visuels sur la plage laissée nue par les flots.

De même, dans une zone de faible ou très faible marnage, l’évolution du niveau de l’eau sera peu visible (encore une fois, en Méditerranée par exemple). Pratique pour disposer d’un maximum de temps pour tourner.

On fera également attention aux conditions météorologiques qui vont affecter l’aspect et le dynamisme de la mer. Plus il y aura de vent par exemple, plus les vagues seront hautes… changeant ainsi l’aspect de l’eau du tout au tout.

A noter également que la hauteur des vagues est en corrélation directe avec la distance sur laquelle ces dernières viennent lécher le sable. Plus la vague est haute, plus elle s’étendra sur le sable avant de refluer d’autant plus loin, par effet de compensation. Cet effet est surtout observable à marée montante !
Par ailleurs, si vous souhaitez marquer l’écume (cette « mousse » blanche qui se forme en lisière de l’eau) à l’image, il faudra sortir un jour de grand vent car c’est lorsque les vagues se brisent puissamment sur la plage que celle-ci se forme.

Le meilleur moyen pour être bien informé et connaître les astuces locales reste encore et toujours d’échanger avec les autochtones du coin : les pêcheurs, la Capitainerie d’un port proche et la SNSM (société nationale de sauvetage en mer) qui sauront vous renseigner sur la façon dont la mer « vit » là où vous tourner.
Précisons que les sauveteurs de la SNSM sauront vite vous aider si vous cherchez quelque chose ou quelqu’un dans leurs zones d’activités. Respectés et connus, ce sont d’excellents partenaires pour faciliter la sécurité et l’organisation d’un tournage.

En parlant de sécurité, voici quelques règles à connaître en milieu marin !

  • Bien s’équiper : coupe-vent (attention à la matière car les frictions du vent génèrent des nuisances pour le son), chaussures imperméables ou bottes (quoi de pire que de travailler une journée entière avec les pieds trempés…), protections adaptées pour la caméra et l’équipement sensible en général, casquettes en été (gare à l’insolation) et de quoi s’hydrater (c’est le régisseur en moi qui parle…)

  • Bien s’informer : Les locaux seront vos meilleurs alliés encore une fois. Les subtilités météo, les marées, l’environnement naturel (faune et flore) et humain (touristes, travailleurs…) sont des paramètres à prendre en compte en amont et variables selon les saisons.

  • Respecter la mer ! J’y tiens. En particulier si vous tournez chez moi, en Normandie, du côté du Mont Saint Michel (mais c’est aussi valable partout ailleurs). La mer, c’est beau, c’est sympa, mais c’est aussi dangereux. Et si vous vous êtes aventurés loin sur la plage à marée basse, ne jouez pas avec l’heure de la marée.
    Chaque année, des personnes se font piéger par un banc de sable ou se retrouvent encerclés par les eaux. Vous pourriez vous mettre en danger ou encore devoir abandonner le matériel de votre boite de location préférée. Tout ça à cause d’un retard de 30 minutes ? …

Méfiez-vous aussi d’une grosse marée montante. Les vagues sont souvent imprévisibles et peuvent balayer un technicien ou arroser abondamment une caméra… n’en déplaise à votre téméraire chef-opérateur.

Le mot de la fin

Vous êtes maintenant au fait de ce que les marées vous réservent comme avantages et inconvénients. Le secret, comme toujours pour un assistant réalisateur, consiste à bien se renseigner pour mieux anticiper la préparation et le tournage. C’est la clé du succès.


Pour aller plus loin :
Le site de Maree.info, l’annuaire des marées
Magic hours. Le quid de l’assistant réalisateur !

Un merci tout particulier à Nicolas Aubry pour son apport sur le sujet.

Crédits images : AFP (vidéo et image à la une), Maree.info (illustration), Wikipédia.

Maxime Lambert

Régisseur et assistant normand résidant à Paris.

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