Dir. Prod. / 1er Ass. Réal. : Le premier appel

Vous êtes tranquillement en train de faire vos courses quand votre téléphone sonne. À l’autre bout du fil, une voix : « Je cherche un·e assistant·e réal, êtes-vous disponible ? »

Votre cœur s’emballe, vos sens s’éveillent. Rassurez-vous : ce n’est pas l’antenne locale du Bureau des Légendes qui recrute, juste un nouveau tournage qui pourrait s’annoncer !

À ce moment précis, mille questions se bousculent :

  • Que faut-il répondre lors de ce premier appel ?
  • Quelles sont les bonnes questions à poser pour comprendre le projet ?
  • Et surtout, sur quoi ne rien lâcher quand il faudra négocier ?

Pour mieux vous aiguiller, ARA a réuni des directeur·ices de production et des assistant·es à la réalisation lors d’un groupe de travail sur ce sujet. Voici une synthèse des échanges, concrète, honnête et utile pour que ces deux métiers comprennent mieux ce qu’on attend les un·es des autres.

Le contexte du premier appel

Lors de la préparation d’un tournage, le dialogue entre le·la directeur·ice de production et le·la 1er·ère assistant·e à la réalisation est essentiel. Et tout commence par un simple coup de fil.

Si les deux se connaissent déjà, c’est plus simple :

  • Soit on ne souhaite plus retravailler ensemble, et l’appel sera bref;
  • Soit on a confiance l’un·e dans l’autre, et le « oui » viendra naturellement.

Mais le plus souvent, les deux ne se connaissent pas encore, et chacun·e cherche à savoir si la collaboration pourrait fonctionner. Le ton, les questions et la clarté du premier échange font toute la différence. Est-ce que l’appel donnera envie de passer au rendez-vous en personne ?

Dans cet article, même si nous nous plaçons souvent du côté des 1er·ères assistant·es à la réalisation, rassurez-vous : les directeur·ices de production trouveront, eux aussi, des conseils précieux.


Avant de décrocher : quelques règles de base

Si vous recevez un appel et que vous n’êtes pas en mesure de parler sereinement, ne décrochez pas !
Votre interlocuteur·rice vous laissera un message : cela vous donne le temps de respirer… et d’enquêter un peu.

Écoutez le message, notez les informations (nom, société, recommandation éventuelle) et rappelez une fois prêt·e. Vous pouvez aussi envoyer un SMS du type :
« Je n’ai pas pu répondre, je vous rappelle dans l’heure ».
Simple, efficace… et ça évite de vous faire doubler par quelqu’un d’autre !

Si vous êtes à l’initiative du contact, vous pouvez choisir d’appeler directement ou d’envoyer d’abord un SMS (inutile d’envisager l’e-mail). Le SMS, clair et concis, permet de vous présenter et de préciser l’objet de votre démarche afin que votre interlocuteur·rice sache à quoi s’en tenir et puisse se rendre disponible. L’appel, plus direct et engageant, reste pertinent selon le contexte ou l’urgence. Et si personne ne décroche, n’oubliez pas de laisser un message ! Pensez aussi à adapter votre choix à l’heure d’envoi : mieux vaut parfois un message qu’un coup de fil. Dans tous les cas, évitez les messages trop vagues ou mystérieux.

Et si le feeling passe bien ? Fixez un rendez-vous rapidement. Rien ne remplace une rencontre en personne pour parler concrètement du projet.

Directeur·ice de production : la transparence avant tout

Souvent, les directeur·ices de production sont déjà en poste, ce sont donc eux qui mènent les entretiens.
Même si le·la réalisateur·rice a parfois un·e assistant·e réal en tête, le·la directeur·ice de production garde un rôle clé dans le choix final.

Quelques bonnes pratiques dès le premier contact :

  1. Contextualisez le projet
    Présentez-vous clairement et expliquez comment vous avez eu l’idée de contacter la personne (recommandation, recherche, rencontre…). Aidez votre interlocuteur·rice à visualiser et à comprendre le cadre du tournage. On ne gère pas un court métrage étudiant comme une production internationale. Expliquez bien pour qui et pourquoi ce film se fait.
  2. Présentez la société et la Genèse du projet
    Dites d’où vient le projet : est-ce une commande ? une idée personnelle du·de la réalisateur·rice ? une coproduction ? Ces détails aident à cerner la “philosophie” du projet.
  3. Posez les limites de confidentialité
    Certains éléments (titre, casting, réalisateur·rice) peuvent être confidentiels. Précisez-le, sans en faire trop : on n’est pas à la NASA non plus.
  4. Parlez argent
    Le budget reste souvent tabou, mais c’est une erreur.
    Sans entrer dans les chiffres précis, indiquez rapidement la tranche budgétaire du projet et la rémunération prévue pour l’étude, la préparation et le tournage. Faites une proposition juste, en fonction de votre interlocuteur·rice, de son expérience et de l’importance du projet, si vous voulez éviter l’épreuve douloureuse de la négociation.
    Et si le projet est bénévole ou sous-financé, dites-le franchement. Soyez sincère : tout le monde reconnaît vite les beaux parleurs et les “marchands de tapis”.

Transparence et communication sont, dès ce premier appel, vos meilleures alliées pour installer un bon climat de travail.

La sincérité crée la confiance, la langue de bois, la méfiance.


1er·e assistant·e réal : comprendre avant de s’engager

Quand le téléphone sonne, l’excitation est normale. Mais gardez en tête une règle d’or : ne dites jamais “oui” avant d’avoir compris le projet.
Les directeur·ices de production recherchent des professionnel·les compétent·es, pas des personnes qui acceptent tout pour faire leurs heures.

  1. Posez des questions précises
    Demandez des précisions sur le type de projet, le planning, l’équipe, le budget.
    Où ? Quand ? Comment ? Pourquoi ? Et avec quels moyens (humains et financiers) se fait le projet ? En d’autres termes : qu’ont imaginé la production et le·la réalisateur·rice pour mener à bien ce projet ?
    N’oubliez pas que les questions que vous posez reflètent vos compétences.
  2. Demandez comment votre interlocuteur·ice a obtenu votre numéro
    Cela permet souvent de trouver des points communs ou de vérifier la recommandation. Et n’hésitez pas à demander aussi si d’autres sont en lice pour le poste !
  3. Clarifiez vos disponibilités
    Si vous avez déjà un engagement, dites-le. Et si vous êtes déjà pris·e, proposez un·e collègue : c’est professionnel et ça entretient votre réseau.
  4. Renseignez-vous sur l’état du projet
    Est-il financé ? Depuis quand ? Y avait-il une autre équipe avant vous ? Ces réponses peuvent tout changer.
  5. Parlez budget et salaire
    Si le sujet n’est pas abordé, amenez-le. Vous devez savoir dans quoi vous vous engagez. Un projet « fauché » n’est pas forcément à éviter, mais vous devez comprendre ses limites et fixer clairement les vôtres.
    Pour votre salaire, les conventions collectives donnent un cadre, mais vous pouvez négocier selon votre expérience et la nature du projet. Restez courtois·e, ferme et juste.
  6. Négociez le temps de préparation et l’équipe
    Un tournage bien préparé est un projet bien tourné. Si les délais semblent trop courts, faites-le savoir.
    Une fois que vous commencez à y voir clair, abordez la question de votre équipe et de ce que le·la directeur·ice de production a envisagé.
  7. Et bien entendu, parlez artistique
    Qui réalise ? Pourquoi ce film existe-t-il ? Quel est le casting ?
    Demandez tous les documents disponibles (scénario, note d’intention, dossier de presse…) et prenez le temps de les lire et de les annoter avant de donner une réponse définitive.

N’oubliez pas également de demander si une étude a déjà été réalisée. Si oui, par qui ? Le cas échéant, proposez d’en faire une : cela fera gagner du temps à tout le monde et vous donnera une base solide de travail et de négociation.

On pense parfois que c’est “trop cher”, mais c’est en réalité un gain de temps (et donc d’argent), surtout dans le contexte actuel où les préparations sont souvent plus courtes que les tournages.
Et rappelez-vous : si vous ne demandez pas, la réponse sera forcément non. Alors, osez !

Le premier appel, c’est un peu le “casting avant le casting” : on jauge la voix, le ton, la confiance… et parfois, on comprend dès les trois premières phrases si ça va “matcher” ou pas.

Entre celleux qui annoncent un “tournage léger mais intense” (traduction : pas de budget, mais beaucoup de nuits blanches) et celleux qui “cherchent un profil dynamique” (traduction : un·e magicien·ne multitâche), il vaut mieux savoir poser les bonnes questions !

Et quoi qu’il en soit, dire “oui” avant d’avoir échangé avec le·la réalisateur·rice, lu le scénario et vérifié que la production et la réalisation ont bien le même film en tête serait une erreur. Prenez toujours le temps de comprendre le projet avant de vous engager pleinement.

Ne dites pas “oui” avant d’avoir compris à quoi vous vous engagez, et ne dites pas “non” avant d’avoir posé vos questions. Et n’ayez pas peur de refuser le poste si vous ne pensez pas être en adéquation avec le projet, pour quelque raison que ce soit.

Mais surtout, lors de ce premier coup de fil, gardez votre calme, votre humour et votre sens du timing : trois qualités qui, dans ce métier, valent tous les CV du monde.


ARA remercie celles et ceux ayant participé au groupe de travail : Victor Baussonnie, Mickaël Cohen, Fred Dagmay, Hélène Dubouchaud, Arthur Freytet-Gentil, Stéphane Glück, Pascal Salafa, Salomé Starcelli, Mathieu Thomas.
Crédits photos : Taken (EuropaCorp.) – Le Bureau des Légendes (The Oligarchs Productions) – Matrix (Village Roadshow, Silver Production) – The Artist (La Petite Reine) – Home Alone (Hugues Entertainements) – Mission Impossible 2 (Cruise/Wagner Productions)

Cohen Mickaël

1er assistant réalisateur

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